samedi 9 juillet 2016

"J'ai envie qu'on me like pour mon travail..."

Les réseaux sociaux résonnent parfois de cris de désespoir dans un désert pourtant peuplé de plusieurs centaines de millions d'habitants. Ils nous rappellent combien nous pouvons être seuls dans la grande ville, et croire en vain que la population se réjouit de notre existence.

Nous vagabondons sur ces réseaux, de liens en liens, à la façon des loups flairant des pistes qui se croisent sur des sentiers invisibles.

Dernièrement, je suis tombé en arrêt devant une photo. Une photo certes jolie, mais assez ordinaire dans le flot des images qui, à chaque seconde, arrivent en désordre dans le puits sans fond d'Instagram. Ce cliché représente Marie-Paola.

Ça n'est pas tant l'image qui a retenu mon attention, que le cri poussé par son auteure. Sans doute la foule pressée des voyeurs compulsifs de photos (comment les appeler autrement ?) n'a-t-elle pas pris le temps d'en lire la moindre phrase. Consulter les pics Instagram prend déjà du temps, me direz-vous, alors s'il faut en plus lire les cris qui déchirent le silence de nos écrans...


Mariepaola_bh sur le pont Alexandre III

Dans un long exposé, Marie-Paola nous raconte d'abord son parcours. "Je vais avoir 27 ans cet été, écrit-elle, et ça va faire 3 ans que je suis photographe ; je pense être un bon exemple de réussite n'ayant pas étudié la photographie. J'adore mon métier même si instagram a tout bouleversé le marché. "

Sa pensée quant au rôle supposé d'Instagram sur le marché de la photographie se poursuit par quelques propos sur ses projets.

"Au début je ne postais que les photos street style que je prenais aux fashion weeks et lors de différents shoots de mode. J'avais même acheté un lecteur de carte pour iPad pour poster en direct en FW les photos des "gros poissons" en espérant un regram (la folle). Puis j'ai commencé à alterner mode et Paris à partir du moment où j'ai rencontré la super communauté @TopParisPhoto. Rien de stratégique, j'adore Paris, c'est un plaisir de m'y promener, je ne prends jamais de photos dans le but de faire du likes."

Faire du like, c'est-à-dire se faire aimer sur les réseaux à travers ses créations, telle est la question posée par Marie-Paola. Se déclarant "bon exemple de réussite", elle affirme ne pas faire de photo dans le but d'être appréciée, et pourtant...

"Il y a un an j'avais autant de likes sur mes photos qu'aujourd'hui mais avec moitié moins de followers. Ça me dépite. Je n'ai pas l'impression que mes photos soient moches, pourtant elles n'intéressent pas autant que celles d'autres instagrameurs qui ont un nombre de likes à 4 chiffres alors que leurs photos ne sont pas terribles. Même quand j'organise un concours pour tenter de faire gagner qqchose, ça n'intéresse pas (cf la montre il y a 2 posts). Je trouve ça injuste que certaines personnes soient contactées pour leur nombre de likes plutôt que pour la qualité de leur travail".
"J'ai voulu trouver ici un équilibre entre photos de mode et de Paris mais vu que ça ne marche pas, je vais élargir mon champ et tant pis si ça part ds ts les sens. Désormais je posterai aussi des photos de voyages même si elles sont vielles, de reportages/actus car j'en fais aussi et je m'interdisais de les poster pr ne pas perturber une pseudo ligne edito. Il y aura sûrement un peu + de texte, et des liens vers mon blog qui va être refondé et repensé. Evidemment je garderai ma touche instagram colorée et lumineuse 😁. Je suis vraiment triste et dans l'incompréhension de ce non engagement. Franchement j'ai envie qu'on me like pour mon travail et pas parce que j'ai laissé 1000 commentaires à des comptes au hasard. Dsl pour ce pavé mais je devais vous expliquer les changements à venir 😘 ".

J'ai envie qu'on me like pour mon travail... Comment une internaute peut-elle penser encore que la population des cosmonautes de l'espace virtuel l'aimera pour ce qu'elle produit ? Quel enjeu personnel la conduit à une telle  tristesse et à cette incompréhension ?

S'il est normal qu'à 27 ans, Marie-Paola soit empreinte de l'insouciance de sa jeunesse, on ne peut qu'assister tristement, impuissant, à ces carambolages de la vie dans l'espace du web. "Et tant pis si ça part dans tous les sens", écrit-elle. Je n'en suis pas si sûr. L'écrire, c'est indiquer qu'elle pense le contraire. On s'en réjouit pour elle.

Yann, Soñjoù


dimanche 3 juillet 2016

Mue imaginale

Alone, photo JMR
“Au fond, c’est ça la solitude : s’envelopper dans le cocon de son âme, se faire chrysalide et attendre la métamorphose, car elle arrive toujours.”





August Strindberg
Seul (1903)